Zakiya ne savait toujours pas pourquoi elle continuait d'accepter les invitations d'Elizabeth aux fêtes qu'elle organisait où bien allait. Après tout, être straightedge— ne consommer aucune drogue ou alcool, la rendait un peu ennuyante, selon certains. Toutefois, Elizabeth était son amie, et Zakiya ne pouvait tout simplement pas se permettre de rater sa pendaison de crémaillère. C'était donc pourquoi elle s'était retrouvée dans son nouveau chez-soi, à la main, un verre de 7-Up. Bien entendu, elle ne s'était pas vraiment éloignée de l'albinos, puisqu'elle était la seule personne qu'elle connaissait réellement, et quand elle était avec elle, Zak n'avait pas besoin de s'expliquer à savoir pourquoi elle ne buvait pas. Elle et Elizabeth étaient complètement à l'opposée, l'une de l'autre. Tandis qu'Elizabeth était une fêtarde artistique, Zakiya était plutôt renfermée et préférait les livres. Elle s'était toutefois permis de bien paraître, à cette fête. Et pour une fois, elle ne portait pas des vêtements trop grands, ni ses cheveux en chignon serré sur sa tête. Zak avait opté pour une paire de skinnies foncés, fidèle à son habitude, mais son chandail était un simple t-shirt rouge foncé à col rond. Ses cheveux, laissés détachés, atteignaient facilement ses clavicules, cachant les côtés rasés. Et pour une fois, elle avait mis un peu de maquillage (sous la supervision professionnelle de la vampire), ce qui lui donnait un air complètement différent. Toutefois, elle se sentait bien. Elle savait qu'elle était jolie, et lorsqu'elle s'était fait complimenter par une autre fille, ça lui fit chaud au coeur.

Elle avait abandonné son verre vide lorsqu'elle reconnut vaguement une voix, ses yeux bleus se tournant vers la source. « Toi! » S'exclama-t-elle en pointant Louka, surprise de le voir dans un tel endroit. Et surtout, surprise de savoir qu'il connaissait Elizabeth. Ou plutôt, surprise qu'elle le connaisse. Elle n'ajouta rien à l'explication de Louka, n'ayant pas envie qu'une scène éclate lorsque l'albinos apprendrait qu'il l'avait menacé avec un poing. Mais c'était du passé, et honnêtement, Zakiya avait presque oublié cette partie de leur rencontre. Elle préférait se rappeler du coup de pied bien placé qu'elle lui avait flanqué, et du délicieux thé chai qu'ils avaient partagé.

« Ça ne me dérange pas de t'accompagner, » dit-elle sans en rajouter, ses lèvres s'étirant en un sourire. Bien entendu, elle devrait lui expliquer qu'elle ne fumait pas, mais c'était en général mieux accepté que le fait qu'elle ne buvait pas non plus. Alors ça… Plusieurs gars qui avait tenté de flirter avec elle s'étaient écriés qu'elle n'était pas humaine, lorsqu'elle leur avait dit qu'elle ne buvait pas. Et en fin de compte, elle avait appris que c'était plus facile leur dire qu'elle n'aimait tout simplement pas le goût de l'alcool. À l'offre de Louka, Zakiya secoua la tête, se dirigeant dès lors vers le balcon. « Je ne bois pas, » dit-elle, sachant consciemment que Louka ne serait pas comme les autres, et qu'il serait probablement rapide à comprendre. Arrivée sur le balcon, elle inspira profondément l'air tiède de Londres, et puis, se retourna, ses yeux bleus se posant sur Louka. « Je ne savais pas que tu la connaissais, » dit-elle en faisant référence à Elizabeth. Toutefois, elle n'avait pas envie de s'éterniser sur  ce sujet. Ils avaient une amie en commun, voilà. « Qu'est-ce que tu as fais de bon, depuis la dernière fois que l'on s'est vus? T'as menacé quelqu'un d'autre dans la rue? » Bien entendu, sa dernière phrase était pour rire… Espérant que Louka le prenne de cette façon, sinon, elle allait être dans de beaux draps.

Zakiya ne put retenir le sourire qui étira ses lèvres lorsque Louka lui dit qu'il était surpris qu'elle connaisse Elizabeth. C'était vrai que c'était étonnant, puisqu'elles étaient incroyablement différentes. Mais il fallait dire qu'elles s'étaient connues parce que Zak travaillait dans une boutique érotique. Elle ne s'était jamais vraiment fait amie avec des clients, mais Elizabeth était différente. Haussant un sourcil, elle s'accota sur la balustrade. « Tu serais surpris, » dit-elle sur un ton mystérieux avant de regarder au loin. Avec le soleil déjà couché, ils pouvaient voir les lampadaires et les différentes lumières qui illuminaient les rues de Londres. Elle n'allait pas s'éterniser; c'était plus pour piquer sa curiosité qu'elle avait dit une telle chose. Après tout, la bonne majorité des gens qu'elle connaissaient n'étaient pas aussi spéciaux qu'Elizabeth. Durant un moment, elle se demanda si Louka savait que Lizzy était un vampire. Était-il, lui aussi, une créature? Ses yeux bleus se reposèrent sur l'homme, qu'elle examina pendant un moment tandis qu'il parlait de lui-même.

Zakiya laissa échapper un petit rire lorsqu'il lui retourna la même question, secouant la tête. « Étonnamment, les gens sont beaucoup plus polis que toi, » dit-elle en se prenant un peu sa tête. Louka  semblait être le genre de personne avec qui elle pouvait être elle-même— jusqu'à un certain point. C'était déjà rafraîchissant de savoir qu'il trouvait son humour drôle, puisque plusieurs personnes prenaient offense à ses blagues. Lorsque Louka lui tendit le paquet de cigarettes, Zakiya secoua la tête. Elle était straightedge, mais dans une situation comme celle-ci, ça ne lui dérangeait pas vraiment de fumer. Toutefois, elle n'aurait jamais fumé une cigarette au complet à elle seule.

Elle tendit alors la main, prenant la cigarette que Louka tenait entre ses lèvres pour l'apporter aux siennes. Timidement, elle prit une petite bouffée, mais la souffla presque immédiatement. Elle n'était fumeuse, et n'aimait pas vraiment le goût de la cigarette. Mais entre amis, elle avait la fâcheuse habitude d'en prendre quelques tirées. « Je n'en fumerais pas une complète, » dit-elle en la tendant vers Louka. « Mais je vais t'en prendre quelques puffs, si ça te dérange pas. » Zakiya sourit légèrement, glissant ses doigts dans ses cheveux détachés. C'était étrange, comme ambiance. Derrière eux, la musique jouait et ils pouvaient entendre les quelques conversations, mais tout était lointain. Et dans cette nuit tiède, c'était comme s'ils faisaient partie d'un tout autre univers.

Zakiya resta silencieuse durant un long moment, regardant le ciel. Malgré la pollution lumineuse, elle réussissait tout de même à apercevoir les quelques étoiles qui brûlaient dans le ciel. Elle sourit doucement à cette vue avant de tourner les yeux vers Louka, son menton reposant dans le creux de sa main. « Tu penses qu'on est seuls, dans le monde? » Lui demanda-t-elle, curieuse de savoir sa position sur le sujet. « Tu crois qu'il n'y a que nous, les humains? »

Zakiya sourit légèrement, flattée que Louka lui dise qu'il appréciait sa compagnie. C'était un commentaire simple et poli, mais comme elle n'était pas vraiment habituée de se tenir avec d'autres gens qu'Elizabeth, ça la faisait sourire. Elle lui jeta un regard en biais, curieuse de savoir où il se tenait face à l'existence d'autres êtres que les humains. Après tout, Zakiya elle-même était consciente de l'existence des vampires— Elizabeth en était un, et elle avait été témoin d'une scène assez choquante durant ses premières années à Londres. Elle ne pouvait pas s'empêcher de se demander si Louka, aussi, en était un. Après tout, il était ami avec Elizabeth, non? Mais c'était relatif ; après tout, elle était son amie, mais elle était une simple humaine. Elle écouta Louka avec attention, ses yeux bleus rivés sur l'homme tandis qu'il parlait. Il devait avoir raison ; le folklore devait bien se baser sur quelque chose, après tout. Pendant longtemps, elle n'y avait pas cru, jusqu'à ce qu'elle soit mise face à cette existence en laquelle elle ne croyait pas. Pinçant ses lèvres, elle hocha la tête, haussant simplement un sourcil à sa dernière phrase. Était-ce un sous-entendu ?

« Si tu en es un, je serai bien déçue, » dit-elle avec un sourire en coin, prenant de nouveau la cigarette pour en prendre une petite bouffée. La soufflant dans les airs, elle regarda la fumée se dissiper dans les airs avant de redonner la cigarette à Louka, le regardant durant un long moment pour peser ses mots avant de répondre à sa question. Elle était plutôt satisfaite qu'il ait répondu ; elle n'était pas exactement bonne pour faire du small talk, mais quand ça venait à des sujets plus sérieux, Zakiya y excellait. C'était peut-être simplement parce qu'elle aimait lire et apprendre, mais encore là. Ce n'était pas tout le monde qui aimait s'éterniser sur un sujet qui n'était, que pour la bonne majorité, hypothétique.

« Je pense que ça ne serait que logique, » fini-t-elle par dire, reposant sa tête dans le creux de sa main tout en le regardant. « Comme tu as dit ; les légendes doivent tout de même avoir un fond de vérité. Et il y a beaucoup de preuves scientifiques qui prouvent que nous ne sommes pas seuls plutôt que le contraire. Dans un univers énorme comme le nôtre, je doute que la race humaine soit la seule qui existe et qui vit en société. » Elle sourit légèrement, levant les yeux vers le ciel. « On a réussi à prouver qu'il y avait de l'eau sur Mars, alors je ne vois pas pourquoi on ne serait pas capables de prouver qu'il existe d'autres êtres que les humains. »

Elle baissa les yeux, regardant Louka durant un moment. C'était une conversation remplie de sous-entendus, mais elle n'était pas mal à l'aise pour autant. Si Louka était vraiment une créature, Zakiya serait plus fascinée qu'autre chose. Elle était consciente que son amie albinos devait connaître d'autres créatures, mais… Existait-il d'autres créatures que les vampires ? Cela restait une question qui, pour la jeune femme, n'avait pas de réponse.

Elle avait un peu les idées ailleurs, durant un moment. Le surnaturel la fascinait plus qu'autre chose— elle qui avait toujours cru en la science, c'était à la fois choquant et intéressant de savoir que des choses inexplicables existaient. La science ne pouvait pas tout expliquer, mais la majorité des connaissances de Zakiya se basait sur des faits réels, et non des légendes folkloriques. C'était certain que les vampires existaient; elle en connaissait un, l'avait vu de ses propres yeux le jour où elle avait fait face au surnaturel pour la première fois dans le bureau de poste. Ce vampire qui avait perdu les pédales et qui avait attaqué quelqu'un. Elle était soulagée qu'il n'y ait eu qu'une poignée de personnes à l'intérieur, ce jour-là. Elle ne s'était pas fait une idée spécifique sur les vampires, puisque après tout, Elizabeth n'était pas comme ça. Tout comme il y avait des humains de toutes sortes, Zakiya croyait qu'il y avait des créatures de toutes sortes. Restait à les découvrir. La voix de Louka la tira hors de ses pensées, ses yeux bleus se posant sur l'homme.

« Le folklore existe depuis le début des temps, » dit-elle d'une voix calme et posée. Après tout, même dans le folklore Pakistanais, il existait un être semblable aux vampires de l'Occident. « Et dans toutes les cultures. » Ajouta-t-elle, se retournant pour s'adosser contre la balustrade. « Connaissant les scientifiques, ils gardent ça pour eux. Ça, ou bien le gouvernement les empêche d'en parler afin d'éviter une panique générale. »

À ce point, elle savait ce que les gouvernements étaient capables de faire. Cacher, mentir, changer la vérité pour qu'elle soit en leur faveur. En partie à cause de ses études, et aussi simplement par son vécu. La question de Louka la fit hausser les sourcils, mais elle hocha la tête en réponse.

« Oui, j'y vais. » Dit-elle, frottant un peu son nez. « Je suis en études Européennes, mais j'ai aussi des cours de sciences. Je touche un peu à tout. »

C'était surtout qu'elle était curieuse, qu'elle aimait toucher à tout. Mais aussi parce qu'elle ne savait pas exactement quoi faire de sa vie— que faire plus tard, quoi choisir comme carrière. Mais elle avait le temps, et elle n'était pas vraiment pressée de se trouver un emploi du genre neuf à cinq. Zakiya resta silencieuse pendant un moment, puis, pris la parole après avoir volé une nouvelle tirée de la cigarette de Louka.

« Mais ne change pas de sujet aussi vite, » dit-elle avec un sourire en coin. « Tu crois en l'existence de ces créatures? Tu penses qu'elles rôdent parmi nous, qu'elles se mêlent à nous? » Elle avait peine à se changer les idées— depuis qu'ils avaient abordé le sujet, elle ne pouvait pas s'en décrocher. Avec un sourire moqueur, elle haussa un sourcil. « Tu n'en serais pas une, par hasard? »

À la réaction de Louka, Zakiya savait qu'elle avait touché une corde sensible. C'était assez suspicieux, merci. Elle ne dit rien, le regardant avec une expression curieuse alors qu'elle le suivit pour quitter l'appartement d'Elizabeth. Elle n'eut même pas le temps de saluer son amie que Louka l'incitait à le suivre pour qu'il aillent parler de cela ailleurs. Son cœur se mit à battre la chamade— C'était vrai? Louka était une créature? Elle savait que les vampires existaient, mais qu'en était-il des autres? Depuis cette découverte, elle s'était mise à prendre toutes ces histoires avec un grain de sel. Après tout, le folklore se basait souvent sur une petite dose de réalité. Une fois sortis, Zakiya dut hâter le pas pour rattraper Louka, marchant à ses côtés sans savoir où ils allaient. Elle leva les yeux vers lui alors qu'ils avançaient, curieuse de savoir ce qui se passait entre ses deux oreilles.

Elle savait que c'était un sujet plutôt sérieux aux yeux du Russe. Peut-être était-il un vampire, lui aussi. Zakiya soupçonnait qu'il était quelque chose, simplement par le fait qu'il connaissait Elizabeth. Après tout, elle était un vampire. C'était donc normal que certains de ses amis en soient, eux aussi. Mais Louka n'avait pas l'air d'un vampire. Peut-être se trompait-elle royalement. À la question de l'homme, Zakiya resta silencieuse durant un moment. Ce ne fut que lorsqu'il l'incita, avec un « s'il te plaît », qu'elle se senti prise au piège. Elle n'avait d'autre choix que de lui dire tout ce qu'elle savait. Secrètement, elle espérait que ça ne la mette pas en danger. Elle savait bien que Louka n'était pas quelqu'un qu'il fallait sous-estimer. Après leur rencontre, elle avait fait preuve de bravoure en lui faisant croire qu'elle n'avait pas peur de lui, qu'elle était prête à lui briser le tibia s'il lui refaisait un coup pareil. Mais là, en ce moment-même, Zakiya craignait un peu pour sa sécurité.

Prenant une profonde inspiration, elle détourna le regard en glissant ses mains dans les poches arrières de son jeans. « J'avais quinze ans, » dit-elle, décidant de commencer par le début. « Ma mère m'avait envoyée au bureau de poste pour ramasser un paquet— je parle mieux anglais qu'elle, donc après un cours du soir, je suis passée par là. » Elle soupira, glissant une main dans ses cheveux. « Il était tard, donc il n'y avait presque personne. Et puis… je suis entrée, et les quelques gens qui étaient au comptoir… Ils ont attaqué les employés. Il y avait tellement de sang. » Elle avait peine à se rappeler ce qui s'était vraiment passé, son cœur battant la chamade alors qu'elle racontait cette histoire à Louka. « Je n'avais pas besoin qu'on me fasse un dessin pour que je comprenne qu'est-ce qui se passait. » Elle leva les yeux vers le Russe, le regardant durant un moment. « Et puis… je me suis sauvée, comme une lâche. J'ai appelé la police, mais il était trop tard. Aux nouvelles, on racontait complètement autre chose. Mais moi, je sais ce que j'ai vu. »

Son ton était certain alors qu'elle marchait aux côtés de Louka, mais elle finit par s'arrêter. Zakiya le regarda de nouveau, serrant la mâchoire. « Des foutus vampires. De véritables buveurs de sang. Bordel, c'était comme dans un film. » Elle persifla, secouant la tête. Croisant les bras sur sa poitrine, elle pencha la tête. « Donc, soit t'es un vampire… Ou bien t'es autre chose que je ne connais pas encore. Lequel des deux? »

Silencieusement, Zakiya espérait que Louka soit un vampire comme Elizabeth. Elle avait appris à vivre avec, et rendus là, ça ne la dérangeait pas. Même que les vampires avaient décidé de la laisser tranquille. Elle n'avait pas peur d'eux— d'où la raison pourquoi Elizabeth et elle étaient aussi proches. Ce n'était qu'un trait de personnalité de plus, aux yeux de Zakiya. Mais si Louka était autre chose, elle ne savait pas comment elle allait réagir. Après tout, ça lui avait pris quelques jours pour se mettre dans la tête que les vampires existaient. Et quand elle avait appris que Lizzy en était un, elle aussi, elle avait pris du temps pour elle afin de se faire à l'idée. Maintenant, l'existence des vampires n'affectait aucunement la jeune femme. Mais quelque chose faisait croire à Zak que Louka n'en était pas un. Ça serait beaucoup moins compliqué. Ils n'auraient pas eu à quitter le party s'il n'avait eu qu'à lui montrer les crocs. Son cœur se mit à battre la chamade de nouveau, mais elle tenta de se calmer en prenant une profonde inspiration. « Surtout, ne cris pas, » fut quelque chose qui fit paniquer Zakiya intérieurement. Sérieusement? Il lui demandait de ne pas crier?

Ses yeux bleus restèrent sur Louka alors qu'il se recula dans l'ombre, à l'abri des regards indésirables. Sous ses yeux, il prit une forme différente. Elle voyait ses os bouger, se transformer d'une manière qu'elle n'avait jamais vu. Et après quelques secondes, ce fut un loup massif qui se tenait à la place de l'homme. Puis, cette forme revint. Avec un processus pareil, qui semblait un peu grotesque. Digne d'un film, même. Zakiya était sans mot. Ses yeux étaient écarquillés avec surprise, et peut-être même une touche d'horreur. Qu'est-ce qui venait de se passer, exactement? Elle avait peine à croire ce qu'elle venait de voir. Non, c'était impossible. Est-ce que c'était une mauvaise blague? Elle ouvrit la bouche pour parler, mais au lieu de mots, sorti un balbutiement. Elle était figée sur place. On aurait dit que ses pieds étaient figés dans le ciment du trottoir. Elle ne pouvait même pas crier— rien ne voulait sortir de sa bouche. Elle était complètement paralysée, à la fois par la surprise et par la peur.

Puis, elle pu enfin parler. « Un loup-garou? » Furent les seuls mots qu'elle puisse pousser, un rire nerveux s'échappant d'elle. Comme elle pouvait rire, elle pouvait enfin bouger. Et même si elle aurait voulu rester avec Louka pour obtenir des explications en rapport avec ce qu'elle venait de voir, son instinct en voulait autrement. Elle savait exactement où elle était; C'était impossible pour elle de simplement prendre ses jambes à son cou et de courir jusqu'à sa chambre. Elizabeth habitait à une heure à pied. Mais Zakiya fit de même, et sans dire un mot, elle pivota sur ses talons pour se mettre à courir dans la direction opposée, espérant que Louka ne la suive pas.

Elle courut jusqu'à ce que ses poumons s'enflamment, sur une rue encore éclairée. Prenant son souffle, elle héla un taxi, donnant l'adresse de College Hall. Zakiya se blottit contre la banquette arrière, les yeux fixant les bâtiments qui passaient les uns après les autres. Lorsqu'elle arriva enfin à destination, elle paya le chauffeur et débarqua de la voiture. Rendue là, ses mouvements étaient presque automatiques. Ouvrir la porte, saluer le garde de sécurité, monter dans l'ascenseur, appuyer sur le '4'. Débarquer de l'ascenseur, marcher jusqu'à sa porte, la déverrouiller et la re-vérrouiller une fois à l'intérieur.

C'est une fois dans la sûreté de ses environs qu'elle put enfin échapper un soupir. Elle se déshabilla, se glissant dans la salle de bain et verrouilla la porte du côté de Benjamin avant de se glisser sous la douche. Assise dans le fond, c'est alors qu'elle reprit ses esprits. Pourquoi est-ce qu'elle pleurait? Peut-être la peur? L'adrénaline qui descendait enfin, qui laissait place à autre chose que l'instinct de survie. Elle allait éventuellement devoir lui parler, mais pour le moment…