Si Jeremiah avait affirmé un jour que tout le succès de ses chasses étaient liés à son talent et son dur travail, sans une bonne dose de hasard et de chance, il aurait menti, éhonteusement en plus. Dans une métropole grouillante comme Londres, le nombre d'événements totalement fortuits qui le mettaient sur une piste de chasse étaient trop nombreux pour les compter. C’était à se demander comment la majorité de la population humaine faisait pour vivre dans la plus totale des ignorances quant à l’existence de créatures surnaturelles carrément sous leur nez. Peut-être les voyait-il plus facilement parce qu’il les cherchait et n’avait littéralement rien d’autre à faire ou à se soucier. Enfin, il n’en savait trop rien et ne réfléchissais pas outre mesure sur le sujet.  Ce soir-là, il n’avait pas de pistes prometteuse à suivre, il errait à travers les quartiers en espérant trouver ne serait-ce qu’un indice, des activités louches, des coins sombres, n’importe quoi. Alors qu’il marchait, les mains dans les poches, l’air semblable à n’importe quel rôdeur dans les rues à cette heure, un crissement de pneus, le fit se retourner juste à temps pour remarquer une fourgonnette qui démarrait en trombe, contournant une voiture arrêtée pour tourner sur une rue perpendiculaire. Il n’en fallu pas plus pour que le chasseur se mettent à courir à sa suite, espérant pouvoir distinguer où elle allait. Ce n’était probablement rien, un chauffard nocturne, mais il devait suivre toutes les pistes qui se présentaient à lui. Il réussit à repérer les phares arrières du véhicule au loin, indiquant qu’il freinait. Redoublant d’ardeur il courut de plus belle pour se rendre dans le stationnement où il l’avait vu tourner. Se gardant de marcher à découvert à la vue de la conductrice qui était descendu du fourgon, il resta caché derrière le coin d’un mur.

Ce qu’il vit confirma qu’il avait bien fait de suivre son instinct. Il y avait définitivement quelque chose de louche qui se déroulait là alors que, devant ses yeux, simplement après avoir vérifié que la voie était libre, la conductrice du fourgon ouvrit la porte arrière pour descendre une cargaison bien particulière. Sur une civière métallique, un corps inerte, le soluté lui étant relié indiquant que cette personne était encore bien vivante. Une seconde personne émergea dans le stationnement par la porte arrière du bâtiment adjacent, donnant un coup de main à la conductrice pour sortir quelques autres, tous autant plongés dans une sorte de torpeur, attachés sur leurs civières. Ils firent alors entrer cette particulière cargaison dans le bâtiment avant d’y entrer tous deux. À ce moment, Jeremiah décida de quitter sa cachette pour s’aventurer dans le stationnement, question d’en savoir plus. Peut-être pourrait-il se glisser dans le bâtiment, voir ce qui se tramait là. À peine eut-il le temps de formuler ce plan qu’il aperçut la poignée de la porte arrière qui bougeait. Par réflexe, le chasseur alla se cacher dans la planque de fortune la plus proche: les portes arrières de la fourgonnette qu’il ferma derrière lui. Le coffre était vide, heureusement pour lui. Se tapissant sur le plancher du fourgon, il espérait bien ne pas se faire prendre mais songea aussi que, sa livraison terminée, la chauffeuse l’amène à sa base, ou quelque chose du genre. Ça avait le potentiel d’être encore plus intéressant que ce qui se passait avec gens sous sédation.

Sa bonne étoile était définitivement dans le ciel, ce jour-là, car la conductrice ne fit que s’installer au volant, sans vérifier le contenu du coffre, après tout, celui-ci était vide, logiquement. De plus, celui-ci appela quelqu’un confirmant qu’une livraison avait eu lieu et qu’il était sur le chemin du retour. Bingo. Il resta en silence le long du chemin assez court qui les séparait du lieu mystère où la conductrice devait faire son rapport. Lorsque celle-ci descendit, Jeremiah attendit quelques secondes avant de descendre à son tour, surpris de se trouver devant un antiquaire. Était-ce vraiment à cet endroit que la livreuse devait se présenter ? C’était peut-être une couverture pour quelque chose de plus sordide...Sans perdre plus de temps, il s’approcha d’une fenêtre qui donnait sur la boutique. Cette dernière semblait vide mais de la lumière provenait d’une pièce à l’arrière. Il marcha dans cette direction, faisant le tour de la bâtisse avant de tomber sur une fenêtre qu’il estimait être la bonne. Et ce qu’il vit ne fut pas de l’ordre d’une simple transaction. Ayant manqué ce qui avait mené à cela, le jeune homme vit une femme casser la nuque de la livreuse comme si avait été faite de chiffon. La raison de cette altercation ne l’intéressait plus autant que la force dont cette mystérieuse femme avait fait preuve. Voyant qu’elle ramassait le cadavre, lui faisant dos, il chercha un briquet dans ses poches. La flamme pointa en direction du bureau, allant lécher la surface de la fenêtre. Jamais n’avait-il songé que cette suite de coïncidence l'amènerait à un vampire. Il serait plus sage de planifier son attaque et de revenir une autre nuit mais… Comment pouvait-il être sûre qu’elle serait toujours là? Non, il devait frapper maintenant, avec l’effet de surprise. Il devait y avoir une masse d’objets contondants dans cette boutique.

Jeremiah rangea son briquet et retourna à la porte d’entrée de l’antiquaire qui, à son grand déplaisir, était verrouillée. Il regarda de nouveau dans la fenêtre du devant, apercevant la vampiresse qui descendait des escaliers vers un sous-sol, le cadavre dans les bras. Il devait agir vite. Repérant du coin des yeux une poubelle, toujours ses grandes alliées, les poubelles, il la souleva pour la jeter de toutes ses forces dans la fenêtre qui se fracassa. Le chasseur entra alors prestement dans la boutique, se saisissant d’une statuette de chérubin en marbre rose, bien lourde avant de se cacher derrière une grande armoire de bois foncé, attendant une occasion de frapper.

Jeremiah retint sa respiration lorsqu’il entendit des pas pressés se diriger dans la pièce où il venait de se cacher assez maladroitement. L’effet de surprise était son plus grand allié pour s’attaquer à des créatures plus rapides, plus fortes et souvent plus intelligentes que lui, il ne devait pas être repéré trop tôt. Il n’était pas non plus préparé pour l’occasion, son armement était minimal, il ne connaissait pas les lieux, ni sa cible. Si les choses tournaient mal, il devrait fuir, bien qu’il n’aimait pas cette idée. Il entendit alors une voix l’apostropher dans le silence de l’antiquaire. Il reconnut les mots comme du français sans en comprendre le sens, cette langue ayant toujours pour effet de l’irriter profondément. Une vampire française, son pire cauchemar. La voix renchérit alors en anglais, lui ordonnant de se montrer. Même si, cette fois, il avait compris, il n’allait pas obéir pour autant, il n’était pas si imprudent. Il devait attendre le bon moment. Elle était près s’il se fiait à sa voix. Ses pas se rapprochaient et le chasseur eut une idée. Si son timing était mauvais, il perdrait son avantage, mais ça valait le coup d’essayer. Écoutant attentivement les bruits de pas de sa cible, il attendit qu’elle se rapproche le plus possible de sa cachette avant de pousser le meuble derrière lequel il se tenait de toutes ses forces. Ce qui s'avérait être une verrière s’écrasa avec un boucan monstre alors que Jeremiah faisait un pas vers l’arrière pour éviter un éclat de vaisselle perdu. Selon l’angle que faisait l’armoire par rapport au sol, quelque chose se trouvait en-dessous, bingo.

Il s’approcha pour voir dépasser un bras ou une jambe. Ce n’était clairement pas assez pour tuer un vampire, il devait penser à la suite. Il pensa tout de suite au feu, évidemment, pour profiter qu’elle soit ainsi coincée où lui aussi aurait du mal à l’atteindre. Il n’avait malheureusement pas de carburant sur lui… Peut-être y avait-il des produits nettoyants qu’il pourrait utiliser cachés quelque part. Il se mit à courir entre les bibelots, laissant imprudemment sa proie sans surveillance, lui qui n’avait pas vraiment préparé un plan plus en détail que de l’immobiliser sous l’armoire. Un regard rapide dans le bureau ne fut guère fructueux, rien ne lui sautait aux yeux. Il y entra donc, ouvrant toutes les armoires à la recherche d’un quelconque nettoyant en aérosol, il devait bien y en avoir quelque part dans ce magasin rempli de vieux trucs poussiéreux…

C’est alors que le jeune chasseur trouva enfin l’objet de son désir, un aérosol pour nettoyer les meubles en bois… hmmm saveur citron. Bien qu’il soit immunisé contre le feu, les éclats de métal, c’était autre chose, il devrait être extrêmement prudent en utilisant sa bombe improvisé. Une nouvelle idée lui vint en posant les yeux sur les piles de documents qui trônaient sur le bureau. Après avoir déposé sa sculpture de marbre au sol, ll s’empara de la plus grosses des piles d’un bras en allant chercher son briquet de l’autre. Retournant vers la pièce où, il l’espérait, la vampire était toujours coincée, laissant tomber le paquet de feuille qui s’éparpilla au sol. Il s’accroupit alors pour l’allumer de son briquet. Ce n’était pas de quoi mettre le feu au plancher, mais certainement assez pour faire exploser sa bombe aérosol. Alors qu’il reculait pour se mettre à l’abri, il ne put s’empêcher de narguer à son tour sa proie par une des seules phrases qu’il connaissait en français: « Hey la sangsue, j'espère que t'aimes le feu. Bon voyage! » Puis il lança la bombe de nettoyant vers le paquet de feuilles en feu.

Cela ne pouvait pas finir comme ça, pas aussi tôt dans sa vie. Elle voulait rejoindre les plus hauts rangs celui des vampires avec la plus longue existence. Encore coincée et abasourdit par le bruit de fraqua de la verrerie qui venait de lui tomber dessus, elle tenta de se sortir de sous le meuble. Plaçant ses mains contre le sol, dans les débris de verres et de porcelaine, elle poussait, pas trop fort pour ne pas éveiller les soupçons du hunter qui était parti un peu plus loin dans la boutique. Elle pouvait encore entendre la vibration de ses pas sur le parquet.

Toutefois sa tentative de vouloir prendre fuite ne fut pas d’un grand succès puisqu’il fut de retour bien plus vite que prévue. Elle ne savait pas vraiment son plan d’action, mais elle devait faire vite si elle voulait survivre. Ainsi son instinct la poussa a utilisé une partie de la force qu’elle pouvait avoir pour se sortir de sous le meuble mais a l’instant ou elle fut sortie, elle remarqua le contenant de nettoyant en aérosol qui trônait dans un tas de papier de comptabilité. Elle était dans la merde, une explosion était loin d’être une chose plaisante pour un vampire, peu importe l’âge qu’il avait. Au moment ou elle pensait pouvoir s’en sortir sans aucune égratignure, l’aérosol implosa, créant une énorme boule de feu qui s’accrochait aux meubles antiques, les brulant, effaçant des traces de cette énorme collection.

Elle avait nulle part où pouvoir s’enfuir, le feu avait pris devant les sorties possibles. Elle ne savait pas si lui avait le moyen de sortir, mais elle voulait qu’il brule avec elle si elle avait à périr dans ce fouillis. Elle courut en sa direction, le plaquant violemment contre l’un des murs de la pièce faisant craquer le contre plaquer qui s’enfonça sous l’homme.

« Bravo! – elle employait se ton sarcastique qui ne cachait aucunement sa colère – Je suis coincé ici, mais tous comme moi tu vas cramer ici ! »

Le feu qu’il avait commencé gagner du terrain, elle sentait les flames lui lécher les jambes ce qui lui fit sortir un cri alors qu’elle resserra sa poigne dans les vêtements de l’homme qui voulait sa peau. Elle sentait que les flames auraient bientôt raison d’elle, elle n’arrivait plus à se concentrer sur la force qu’elle devait avoir pour le maintenir en place. La douleur la rongeait, les brulures, tout.  Elle s’effondra sur le sol de se qui restait de sa boutique, ne pouvant plus se relever, se laissant cramer. Seulement sa dernière pensée fut un souhait, elle souhaitait que celui qui c’était attaquer a elle subisse le même traitement.